Pilotes du Normandie-Niemen

d’après le journal de Roger Penverne dans l’Armée Rouge
René & Maryvonne Gaudart

L’ouvrage est pour le moins surprenant, et ce d’abord par son titre qui annonce plutôt un travail (de plus) sur les pilotes du célèbre groupe de chasse qu’une biographie de Roger Penverne, mort en février 1945 après quatre victoires aériennes.
La démarche initiale des auteurs était apparemment claire. Neveux du pilote, ils sont partis de ses carnets personnels (rédigés entre 1944 et 1945) et ont voulu y apporter les éclairages qu’ils ont jugés nécessaires.
Mais les premiers dérapages sont apparus au moment même de la recherche. Les informations ne manquent pas, en effet, sur le sujet. En fin d’ouvrage, la bibliographie ressemble davantage à un inventaire de médiathèque (jusqu’à des romans, des bandes dessinées et des films) qu’à une indication des sources. Il y a bien entendu la série des magazines Icare, plusieurs biographies ou autobiographies de pilotes, le livre d’Yves Courrière et le Journal de marche publié en 1946 (différent de l’original conservé au SHD, d’autres s’y sont laissés prendre). Mais on n’y relève pas une seule archive originale (pas même le dossier de l’officier) ce qui est pour le moins surprenant.
Le plus gênant cependant est dans l’usage que les auteurs ont fait de toutes ces sources. Car après une très courte présentation de l’enfance de Penverne en Bretagne, le livre poursuit sur de longs historiques de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance (p. 19 à 25) puis de la Russie (p.27 à 33) dont on aurait pu se passer. Sont inutiles également la présentation détaillée de l’année 1943 (p.61) et les « Nouvelles du monde » sur la guerre du Pacifique (p .193). Par contre, le débarquement allié en Afrique du Nord, qui joue pourtant un rôle essentiel dans le destin de Roger Penverne puisque c’est ce qui lui a permis de rallier la France combattante, n’est jamais mentionné.
Il aurait été possible aussi de se passer des longs passages sur l’histoire du Normandie depuis 1942 et sur des hommes que Penverne n’a pas connus (comme Albert Preziosi, mort en juillet 1943). Quelques notes de bas de pages auraient éventuellement suffi.
Ces sources mal maîtrisées, ainsi qu’une relecture défaillante, provoquent d’ailleurs des situations parfois cocasses. Les auteurs confondent Jean et Roger Sauvage et parlent à plusieurs reprises du fils de Staline en oubliant que son nom n’est pas Staline mais Djougachvili.
Mais le plus dommageable est qu’à force d’accumuler les données, les auteurs ont perdu de vue l’essentiel. Car leur oncle disparaît au bout de quelques pages seulement, et ce ne sont pas ses modestes réapparitions qui suffisent à le rappeler. On peut en effet passer plusieurs pages sans aucune mention de Penverne ni citation de son carnet. On est donc loin du « chef d’œuvre » annoncé en quatrième de couverture.
En fait, l’ouvrage contient deux livres inégaux dont l’un s’avère à peu près inutile puisque déjà lu et relu. Aux passionnés d’aviation, je conseille donc de s’arrêter à l’autre (celui des passages en italique — le carnet de Penverne) qui s’avère pour sa part très intéressant et qui aurait dû constituer l’essentiel du travail achevé.

L’erreur des auteurs a été de vouloir trop en faire. Ils s’y sont perdus, mais on ne peut leur reprocher cette louable démarche. La faute en revient à l’éditeur qui n’a pas su les aider à cibler leur lectorat ni à trouver le niveau d’écriture souhaitable. On en aurait gagné en lisibilité et aussi en coût, car le livre finalement en ressort assez cher.

Thierry Le Roy


492 pages, 15,3 x 24 cm, couverture souple
0,775 kg

En bref

JPO Éditions

ISBN 978-2-37301-025-1

24,35 €