On se rappelle l’intérêt soulevé en 1981 par l’ouvrage de Marie-Paule Vié-Klaze, consacré aux Grands Latécoère sur l’Atlantique ; les appareils en question étaient certes connus, mais l’auteur y faisait sortir de l’oubli la base d’hydravions construites aux Hourtiquets, au bord du lac de Biscarrosse, dont seuls quelques vestiges avaient survécu aux destructions de la Seconde Guerre Mondiale. L’accueil favorable fait à l’ouvrage n’avait pas été par ailleurs étranger quelques temps plus tard à la création du Musée de l’Hydravion de Biscarrosse.
Parmi toutes les productions du constructeur toulousain, le Latécoère 631 tient une place particulière dans l’histoire de l’aéronautique dans notre pays, tant par sa taille que par l’impression qu’il donne d’être passé à côté d’une histoire plus glorieuse ; dans nos esprits passionnés, il fait partie de cette aviation dont nous nous laissons parfois imaginer ce qu’elle aurait pu devenir si elle n’avait pas disparu dans la fournaise de mai-juin 1940…
Dans son très bel ouvrage, qui se penche plus précisément sur l’exploitation commerciale de l’avion et des infrastructures qu’il fallu (re)mettre en état, Pascal Parpaite se charge de nous ramener les pieds sur terre en décrivant par le détail ce que fut le destin d’une petite série d’hydravions dont la taille s’approchait de celle de l’Airbus A 330: que ce soit avec Air France vers les Antilles ou avec France Hydro en Afrique, cette exploitation se termina malheureusement par la disparition en vol d’un appareil dans des conditions encore mal élucidées. En cela, il vient compléter l’excellente série d’articles publiée par Gérard Bousquet dans le Fana de l’Aviation en 2002, ensemble davantage tourné vers la description technique de l’appareil.
Comme pour les autres ouvrages publiés par la Mission Mémoire de l’Aviation Civile, l’auteur a rassemblé un très grand nombre de témoignages, en particulier de ceux qui firent vivre l’hydrobase des Hourtiquets, nous rappelant le dénuement dans lequel l’aéronautique française dut se remettre en route après la Libération, mais aussi l’enthousiasme qui animait ces personnes, sans pour autant tomber dans une mémorialisation béate. Car si le Latécoère 631 put pendant quelques mois laisser croire qu’il pourrait assurer les liaisons aériennes avec les Antilles françaises en attendant que des pistes d’atterrissage suffisamment longues y soient construites pour accueillir les Constellation ou autres DC-4 d’Air France, Pascal Parpaite ne cache pas l’impasse économique et technique que représentait ces grands hydravions, dont le moindre paradoxe ne fut pas d’avoir été à la fois construits selon des normes inadaptées et dépassées qui les alourdissaient, et en même temps d’avoir été trop fragiles par certains cotés, même si il faut reconnaître que les problème de résonance structurale (le flutter) qui probablement furent à l’origine des quatre pertes (sur 10 machines…) ne furent bien compris que dans les années 1960 (en particulier après une série d’accidents survenus aux Lockheed Electra) ; pour ne rien arranger, l’hydravion se trouvait affligé d’une motorisation insuffisante, même avec des moteurs américains.
Une première édition avait connu en 2016 une diffusion très confidentielle de la part de la DGAC, il faut donc remercier l’association « Mémoire de l’Hydraviation » pour cette réédition légèrement développée, à l’iconographie particulièrement riche. Espérons qu’un prix de 50 € ne dissuadera pas les amateurs…
Pierre-François Mary
370 pages, 24 x 24 cm, couverture souple
1,600 kg