Si un jour futur l’Aérobibliothèque se dote d’une rubrique intitulée « Les Indispensables », nul doute que le livre de Henri Fabre y figurera en bonne place.
Le 28 mars 1910 décollait des eaux de l’Étang de Berre une sorte d’improbable insecte géant motorisé, sur lequel Henri Fabre était juché à califourchon. Formidable réussite pour cet étonnant Marseillais concepteur, créateur et pilote du premier hydravion au monde. L’enviable longévité d’Henri Fabre lui permit de voler en Concorde de Paris à New York, lui qui figure au panthéon des premiers pionniers. Il eut néanmoins la riche idée de rédiger au crépuscule de la longue vie cet ouvrage en forme de mémoires.
L’édition originale avait connu une diffusion quasi confidentielle, et l’on ne peut que se féliciter de l’initiative de Gérard Maoui d’une réédition à une plus vaste échelle de ce précieux document à l’occasion du centenaire du premier vol d’un hydravion.
Plutôt qu’une autobiographie, cet ouvrage est un regard porté par un pionnier sur la naissance de l’aviation, autant qu’il s’avère le témoin d’un parcours qui mène au premier vol d’un hydravion. S’il est bien entendu amplement question de la genèse, de la construction de « l’hydroaéroplane » d’Henri Fabre, et ce jusqu’au vol historique du 28 mars 1910, l’auteur évoque très largement les précurseurs et les pionniers, jetant un œil tantôt critique, tantôt admiratif, sur les écrits, projets ou entreprises des uns et des autres. Launoy, Du Temple, Le Bris, Ader, Pénaud, Tatin, Ferber, Mouillard, Cayley, Chanute, d’Amécourt… la liste est longue des précurseurs dont Henri Fabre évoque les recherches avec l’œil du connaisseur, avant de décrire par le menu les démarches qui, de l’étude des ricochets et des cerfs-volants, l’amenèrent patiemment et avec méthode à une réussite qui doit assez peu aux tâtonnements.
On suit ainsi le parcours du « pionnier-inventeur » avec d’autant plus d’aisance que le texte est illustré de photographies d’époque légendées par l’auteur lui-même.
Henri Fabre ne nous cache rien du cheminement intellectuel et expérimental qui l’amena à réussir ce premier décollage d’un hydravion. L’ouvrage aurait pu être simplement technique et ennuyeux ; en bon marin, l’auteur a évité cet écueil. Au fil des pages, nous évoluons en plein début du XXe siècle, essentiellement dans la région de Marseille, et nous faisons d’étonnantes rencontres, par exemple avec Gustave Eiffel. Point de compte-rendu rébarbatif : J’ai vu naître l’aviation pétille de vie par les nombreuses remarques et anecdotes qu’il recèle. Témoin de la genèse de l’hydraviation, ce livre est également celui de la naissance de l’aviation dans une époque foisonnante.
Indispensable, J’ai vu naître l’aviation l’est à bien des titres : il répond à nombre de question que peuvent se poser les amateurs d’histoire des sciences et des techniques. Modeste Henri Fabre, qui prétend avoir « vu naître » l’aviation, quand il a si grandement contribué à sa naissance !
Philippe Ballarini
192 pages, 15,4 x 24,2 cm, couverture souple
0,300 kg