Ancien steward chez Corsair pendant 15 ans, François Negroni explique s’être intéressé à l’accidentologie aérienne dès ses premières années de fonction. La perte des Boeing 737 MAX des compagnies Lion Air en octobre 2018 et Ethiopian Airlines en mars 2019 a causé 346 victimes, passagers et équipages.
L’auteur s’est intéressé au 737 MAX dès le premier accident et a continué de se documenter et de suivre l’affaire. Il livre ici une analyse solide et sérieuse, en 14 chapitres, un épilogue, une postface et trois annexes (chronologie des événements, bibliographie et glossaire technique).
L’enchaînement des chapitres est logique et couvre la totalité du sujet. Les paragraphes sont courts, ce qui donne une lecture très aérée. L’auteur répète à plusieurs reprises les éléments factuels, ses constatations, les mêmes arguments, voulant à tout prix convaincre ses lecteurs. Au-delà de la partie purement aéronautique, il évoque la culture d’entreprise de Boeing et son évolution récente, l’impact des marchés financiers et la justice américaine à deux vitesses. La comparaison des jugements de Boeing et du constructeur automobile Wolkswagen est à ce titre édifiante, une très bonne idée de François Negroni et une analyse pertinente qui donne du relief, pour une meilleure compréhension de la complexité de l’affaire, de ses tenants et de ses aboutissants.
On peut regretter l’absence totale d’iconographie. Aucune photographie de Boeing 737, pas un seul profil ou dessin technique, aucun extrait de document officiel ou article de presse. Cela aurait rompu la monotonie d’un simple texte. Pour des lecteurs aguerris, cela n’est probablement pas nécessaire, mais pour un lectorat ordinaire, des comparaisons de profil de Boeing 737 classique, 737 NG et 737 MAX, ou des turboréacteurs CFM56 et LEAP des diagrammes expliquant les forces mécaniques et aérodynamiques entrant en jeu, auraient été pédagogiques. La production à compte d’auteur de cet ouvrage explique cette limitation.
Les nombreux rouages annonciateurs de cette erreur industrielle, et les conséquences à ce jour, sont parfaitement expliqués, tant pour Boeing que pour l’administration fédérale américaine de l’aviation (FAA), de même que les répercutions internationales (en Europe, en Chine, pour Airbus) ainsi que la perte de confiance envers Boeing, et dans son propre personnel.
Dans sa postface, François Negroni explique avoir eu recours à l’Intelligence Artificielle pour la rédaction de l’ouvrage. Merci à lui pour sa transparence, et comme il l’explique fort bien, il aurait été malhonnête de ne pas le préciser, dans un ouvrage démontrant la pratique du secret du constructeur américain et ses conséquences funestes.
Souhaitons que les enseignements obtenus de ces accidents aériens ne tombent pas dans l’oubli et que les industriels (pas seulement aéronautiques d’ailleurs) ne retombent pas les mêmes travers de bénéfices à court terme au lieu de la sécurité de tous.
Un livre conseillé, pour mieux appréhender, sans sensationnalisme, la tragédie du Boeing 737 MAX.
Jocelyn Leclercq