Bernard Chauvreau est incorrigible. Quand ce conteur né vous prend sous son aile, il ne vous lâche plus et vous mène, au gré d’une plume alerte, où bon lui semble. En l’occurrence, avec ces Vols impunis, c’est quelquefois au sol, comme dans la Touraine occupée de sa jeunesse, quelquefois en vol, en Afrique, dans les Alpes et en bien d’autres lieux, et souvent simplement dans un « milieu » indéterminé où alternent les envols, la contemplation sereine de paysages et de riches rencontres humaines.
Au fil des pages, nous faisons la connaissance du docteur Schweitzer, de Xavier Maniguet (affaire Rainbow Warrior), des voltigeurs Fred Nicole et Éric Muller, des spatio-cosmo-astronautes Jean-Loup Chrétien, Patrick Baudry, Alan Bean, Gordon Fullerton, Claude Nicollier et Ulf Merbold, des journalistes Nicolas Hulot et Bernard Chabbert, etc. La part du lion revient bien entendu à René Fournier, son mentor, ami et complice dans l’aventure des avions-planeurs. Il est d’ailleurs amusant de comparer les visions, assurément assez proches, qu’on pu en avoir l’auteur et ce dernier, qui a lui même raconté cette épopée commune dans Mes rêves et mes combats.
À cette farandole humaine, il faut ajouter les femmes de sa vie, que Bernard Chauvreau met en scène sans grande pudeur. Tout ceci nous emmène dans une cavalcade échevelée de souvenirs, racontés souvent à bâtons rompus, comme les multiples points tournants de la navigation à vue qu’a été sa vie.
Dans la grande tradition des éditions France-Empire, les 32 photos en noir & blanc sont regroupées en un cahier central. Quatre d’entre elles étaient déjà présentes en 1981 dans Il était une foi : mes ailes, le RF-01 détruit à Dijon en 1961, les RF-5 et RF-6B en vol dos sur les Alpes, l’un vu de l’intérieur et l’autre de l’extérieur, et celle de sa rencontre avec le docteur Schweitzer en 1963. Par contre, la qualité d’impression a changé, et on est loin du papier glacé de 1981 qui mettait si bien en valeur ces illustrations.
Certains pourraient penser que, après Il était une foi: mes ailes, Pilotes sans frontières et Ce ciel pas comme les autres, Bernard Chauvreau ressasse encore les mêmes histoires. En fait ce n’est pas aussi simple : c’est simplement dans la même veine, et les sujets sont semblables dans l’ensemble, mais racontés chaque fois différemment. Un peu comme Cézanne peignant la Sainte-Victoire. C’est toujours un peu pareil, mais les angles et l’éclairage sont différents, et donc c’est terriblement bien à chaque fois !
Jean-Noël Violette
172 pages, 15,5 x 24,3 cm, broché
0,315 kg