Dans le titre de ce livre, il est une nuance importante. Celle apportée par l’article « une », et qui le rend unique. En effet, ce n’est pas de l’Histoire très généraliste dont vient nous parler Bernard Certain, mais bien celle, vue du petit bout de la lorgnette, qu’il a vécue de près. Et en l’occurrence, la lorgnette en question ressemble beaucoup à un combiné microscope et endoscope.
Bernard Certain est un ingénieur de très haut niveau, formé de 1968 à 1971 (à Sup’Aéro (1) selon cet ouvrage, à l’ENSICA (2) selon son profil Linked’In. Mais, de toutes manières, les deux écoles ont été fusionnées par la suite en un seul établissement, ISAE (3) ) puis en 1972-73 comme ingénieur d’essais en vol à l’EPNER (4). Il a travaillé, depuis lors, chez ce qui est devenu Airbus Hélicoptères comme responsable des essais en vol puis responsable de programme pour les fleurons de ce constructeur.
Les premiers chapitres : Alouette 1, 2 et 3, Gazelle.
Items rédigés assez sommairement, taillés à la serpe.
Souvent style télégraphique : fiches, prises de note, pas de verbes.
Explications plus précises à partir de la Gazelle.
Pré-suppose des connaissances techniques car peu pédagogique.
Avec les chapitres suivants, rédigés avec plus de soin et consacrés à l’Écureuil, on entre dans le cœur de l’ouvrage. Cet appareil, avec ses nombreuses versions et ses dérivés, a en effet été le « bébé » de Bernard Certain. Alors que ce livre semble assez mince au premier abord (85 pages), tout ce qui en fait la richesse apparaît alors. L’auteur, en égrainant son carnet de vol comme un chapelet, enchaîne les anecdotes passionnantes lors des essais en vol. Puis, partant de là, il fait alors renaître les moments de réflexion technique, les rapports avec les bureaux d’études et avec les motoristes et il explique les solutions trouvées aux différents problèmes.
On découvre un Bernard Certain extraordinaire dans ce qui peut paraître parfois comme du bricolage, mais qui relève en fait d’un permanent transfert de technologie. Il élève la sérendipité au niveau d’un art. Le lecteur découvre cet éveil de l’esprit avec l’anecdote des moucherons, avec la méthode de correction du roulis hollandais, avec les cornières de bord de fuite, avec l’utilisation des « masses chinoises » (dont on apprend la vraie signification du nom), avec tellement d’autres situations paraissant inextricables au départ et soudain solutionnées par un trait de génie.
Il est conseillé d’avoir un minimum de bagage technique pour bien suivre.
Exemple, page 34 : « La deuxième raison et plus subtile : cet anti-vibreur est totalement isotrope, il est donc réglé sur l’excitation rotor vue en axes fixes, le fameux 3 oméga des tripales. »
Mais rassurez-vous, c’est, la plupart du temps, plus abordable pour les béotiens. On trouve à la même page : « Le génie de Mouille s’est toujours montré à la limite de ce que les ingénieurs et les poètes peuvent comprendre, les uns trop accrochés à des équations qui souvent peinent à représenter le réel, les autres parce qu’ils savent matérialiser leurs rêves. »
Si le champ d’exploration de ce petit livre est donc limité aux productions de notre principal hélicoptériste national, il est un témoignage de première main fabuleux et sera incontournable pour qui voudra écrire un jour « L’histoire des hélicoptères légers en France », en particulier pour ses années « Écureuil ».
Jean-Noël Violette
Notes :
1) Sup’Aéro : École nationale supérieure de l’aéronautique et de l’Espace
2) ENSICA : École nationale supérieure de constructions aéronautiques
3) ISAE : Institut supérieur de l’aéronautique et de l’Espace
4) EPNER : Ecole du personnel navigant d’essai et de réception.
85 pages 16x24cm, couverture souple, broché