S’il est bien un domaine négligé de l’histoire de l’aéronautique militaire, c’est bien l’aérostation. Pourtant, tout ouvrage retraçant le passé de l’arme aérienne française commence traditionnellement par le ballon de Fleurus, érigé depuis longtemps au rang prestigieux d’ancêtre de l’observation aérienne. Ensuite, les missions aussi primordiales que dangereuses des aérostiers, tant en 1914-1918, durant la Guerre du Rif ou la Bataille de France sont au mieux évoquées, mais le plus souvent passées sous silence. L’aviation de combat et la chasse en particulier (et, ironie de l’Histoire, la chasse … aux ballons durant la Grande Guerre !) occupent alors toute la place car dans l’aérostation, on ne lit la vie d’aucun as, bien peu d’exploits tant humains que militaires (même s’ils ont bien eu lieu) mais plutôt, de longues heures d’observation et un quasi-anonymat des intervenants. L’ouvrage de Jean-François Nicloux se propose ainsi de replacer à leur juste place historique ces militaires qui ont largement donné de leur personne dans l’accomplissement de leur mission ingrate et sans qui, l’artillerie aurait été totalement aveugle. Le titre en est toutefois quelque peu curieux, « une autre histoire de la conquête de l’air » pouvant faire penser aux tentatives des pionniers des plus-légers-que-l’air qui ont émaillé les débuts de l’aéronautique.
Disons-le tout d’emblée : la plus grande partie de l’ouvrage, soit plus de 240 pages (sur 464) est consacrée aux aérostiers militaires durant les opérations de 1914 à 1918, même si quelques chapitres couvrent également l’aérostation en Indochine à la fin du XIXe siècle, les ballons étrangers (britanniques et américains) de la Grande Guerre ou encore, l’aérostation captive maritime. Les missions, les batailles, les hommes, le matériel, les événements marquants du premier conflit mondial y sont dûment replacés dans une chronologie claire et précise. C’est aussi le point faible de ces 400 pages : 8 pages seulement parlent des aérostiers militaires de la Bataille de France de 1940 ! Rien ou presque sur leurs opérations et leurs motoballons* , très peu sur leurs sacrifices et la technique qui les sert, rien sur leurs engagements au sol, quasiment rien non plus (deux lignes !) sur l’aérostation de protection …
Côté iconographie, l’ouvrage est illustré par des cartes schématiques éclairant bien le texte, mais aussi de nombreuses photos, malheureusement mal servies par le grammage du papier ou l’absence de traitement (images sombres, non détramées …). En annexe, un index patronymique aurait été d’une grande utilité, un outil supplémentaire pour sortir de l’ombre tous les aérostiers cités dans ces pages, et faciliter le travail des chercheurs professionnels et amateurs. Pour résumer, cette histoire de l’aérostation militaire n’est pas conseillée à ceux qui veulent se pencher sur les vingt ans qui suivent la Grande Guerre, aussi riches historiquement et techniquement que leurs prédécesseurs, que ce soit au Maroc face aux Rifains d’Abd-El-Krim ou dans la tourmente de mai-juin 1940, mais elle ravira ceux qui désirent posséder un ouvrage moderne sur les aérostiers de 14-18, volume qui faisait défaut jusqu’à présent.
Bernard Palmieri
464 pages, 19 x 24,5 cm, couverture souple
0,838 kg
* et même une erreur, en citant un ballon « MBZ 5 » (page 437) qui n’a jamais existé.