Il y a de nombreuses années, Pierre Parvaud avait publié une longue monographie du Potez 840 dans le magazine le Fana de l’Aviation (*). Comme cela arrive souvent chez les passionnés, le travail autour de cet appareil ne s’est pas arrêté à cette publication et l’auteur a continué à travailler sur le sujet pour aboutir à cette monographie complète.
Le Potez 84 fut le dernier des avions construit par Henry Potez, pionnier de l’aviation. Ce programme, lancé en 1959, était un quadriturbine destiné aux lignes intérieures françaises voire européennes. Ce fut un échec cinglant, l’avion n’étant construit qu’à une demi-douzaine d’exemplaires. Dès lors, Potez ne construisit plus d’avion et se contenta d’être un sous-traitant important de l’industrie aéronautique française. L’échec du Potez 84 et de ses évolutions prévues peut s’expliquer par le choix du quadrimoteur mais c’est loin d’être le seul facteur. L’auteur, dans cet ouvrage bien documenté et totalement exempt de langue de bois, n’hésite pas à mettre le constructeur face à des choix discutables. On note aussi que le facteur politique n’est pas absent puisque la famille Chirac est citée à de nombreuses reprises dans l’ouvrage, le père de Jacques, Abel Chirac, ayant été administrateur de la société Potez et de la société Dassault.
Le dossier constitué par Pierre Parvaud s’étale désormais sur 250 pages, illustrées avec précision et en couleur lorsque c’est possible. Il fait apparaître un très grand nombre d’informations, y compris financières, toutes sourcées, pour expliquer comment ce programme en est arrivé à échouer. L’avion était élégant, il aurait peut-être été un concurrent sérieux au Nord 262 mais il s’avère que Henri Potez, contrairement à Marcel Dassault, n’avait pas senti tout le potentiel des nouvelles motorisations apparues après la seconde guerre mondiale. Problème d’entourage, d’entêtement ou de manque de moyens, l’histoire est sombre mais éclaire finalement la réalité de l’industrie aéronautique française renaissante des 30 glorieuses.
Sans doute moins facile d’accès que d’autres ouvrages consacrés à d’autres succès de l’aviation, cette monographie pointue, rigoureuse, documentée est un modèle du genre. Peut-on lui trouver un défaut ? Oui, l’ouvrage s’inscrivant dans une collection au format A5 certains documents auraient gagné à être publiés plus grands. Mais c’est vraiment secondaire eu égard l’intérêt de l’histoire de cet avion singulier.
Frédéric Marsaly
(*) Le Potez 840 par Pierre Parvaud et Pierre Gaillard, Fana n°251 d’octobre 1990.