Si Védrines fut l’enfant terrible de l’aviation naissante, Maurice Tabuteau peut être qualifié de « père tranquille » parmi les pionniers. Pour autant, il n’en est pas moins méritant.
Venant de l’automobile, il pris le « train » en marche courant 1910 et fut l’un des premiers à faire confiance à Maurice Farman, frère parfois presque ennemi d’Henry. Grâce à la fiabilité du moteur Renault qui équipait ces premiers « Meu-Feu », il conquit rapidement l’estime de ses pairs mais surtout gagna très vite de fortes sommes d’argent lors du meeting de Biarritz, rallia la Côte basque à l’Espagne, ce qui ne se fit pas sans susciter quelque jalousie, y compris de la part de son constructeur.
Tout cela motiva fortement son ambition et il s’attaqua avec succès au prix Michelin de la plus longue distance couverte sans escale, qu’il gagna fin 1910.
Après quelques premiers déboires chez une firme naissante, Morane-Saulnier, où il cassa tout ce qui devait être cassé en moins d’une journée, il traversa la Manche pour travailler chez Bristol où il eut comme compagnon plus qu’éphémère un certain Gabriel Voisin.
C’est sur Bristol qu’il fut l’un des rares biplans à terminer le circuit européen de 1911, puis, après avoir été le premier chef pilote chez Morane-Saulnier, il arrêta sa carrière de « vedette aéronautique » avant-guerre pour revenir à ses premières amours, l’automobile, et fonda après guerre une entreprise de carrosserie « souple » avec Weymann, un autre pionnier célèbre. Durant le premier conflit mondial, il semble être rapidement passé à la MS12, puis se retrouva assez vite côté production, et c’est à ce titre qu’il fut envoyé aux États-unis en 1918 pour mettre au point le fameux moteur Liberty. Il resta cependant un pilote actif, puisqu’il pilotait toujours son avion de tourisme personnel dans les années soixante.
Denys Tabuteau n’est autre que le petit-neveu de Maurice. Il publie dans cet ouvrage abondamment illustré qui se lit d’un trait les mémoires de son grand père. Celui-ci s’exprime à la première personne dans un style fluide très vivant et souvent cocasse car rempli d’anecdotes dont étaient parsemées le quotidien de ces pionniers.
C’est un de ces livres-témoignages qui ne paient pas de mine à première vue, mais qui apportent un ensemble de détails très riches, notamment sur d’autres personnages plus connus, permettant ainsi de recadrer et d’affiner un point de vue certainement plus près de la réalité.
Thierry Matra
128 pages, 16 x 24 cm, broché
– Cet ouvrage est initialement paru en 2000