Les éditions Blueman nous offrent en septembre 2025 une autobiographie en français d’un des plus grands as alliés de la deuxième guerre mondiale, à la fois connu pour figurer dans les listes de palmarès mais finalement assez peu couvert médiatiquement. Nul doute que son inclusion dans les pages de « Feux du Ciel » de Pierre Clostermann, « une journée à Malte », est ce qui l’a fait connaitre des passionnés français d’aviation.
Pourtant l’original avait été initialement publié en 1943, avec les mots et l’esprit de George Beurling et quelques questions de Leslie Roberts, donnant à l’œuvre une forme de conversation où on écouterait l’as Canadien, en osant à peine l’interroger de temps en temps pour clarifier un détail, un état d’esprit, une sensation. Rappelons donc que la guerre n’était pas finie et que la publication de cet ouvrage poursuivait également une volonté de propagande pour la cause des Alliés. Cette version française comprend un avant-propos de « Laddie » Lucas figurant dans la réédition de 1973, la préface originale de « Billy Bishop », as Canadien de la première guerre mondiale, et l’introduction de Leslie Roberts de juin 1943, et un épilogue d’Arthur Bishop, fils de « Billy », écrit en septembre 2001 pour la réédition anglaise de 2002. Lucas avait combattu avec l’as Canadien à Malte en 1942, et Bishop l’avait côtoyé en Grande-Bretagne en 1944.
La photographie de couverture, colorisée, donne d’emblée envie de mieux connaitre cet aviateur, par le côté mutin et les traits juvéniles du pilote.
Le style familier, presque argotique, rend la lecture attrayante. Si les circonstances sont racontées avec détail, il ne faut pas oublier qu’il s’agit de la traduction, très bonne au demeurant, d’un ouvrage de 1943, avec très peu de précisions techniques, comme on attendrait d’une biographie écrite de nos jours. S’il évoque son enfance et sa jeunesse, l’auteur ne donne même pas sa date de naissance, par exemple. Et les circonstances de sa disparition en 1948 sont juste évoquées dans l’épilogue. Les autres pilotes sont souvent cités par leur surnoms. Le lecteur qui voudra approfondir devra se tourner vers d’autres publications sur Malte, Aces High, la biographie de Brian Nolan, toutes en anglais, ou internet pour étancher sa soif de menus détails tels que numéros de série, opposants abattus, etc… Les notes de bas de pages traduisent les mesures anglo-saxonnes dans le système métrique, ainsi que les grades de la Royal Air Force.
16 photographies en noir & blanc sont insérées dans un cahier central, imprimées sur le même papier que le texte. Des illustrations au crayon de l’édition originale de 1943 ainsi que des cartes parsèment les pages.
Le personnage de George « Screwball » Beurling est attachant, dès les premières pages montrant son obstination à voler depuis son Canada natal, confinant à la monomanie. Ses vaines tentatives d’engagement, ses trois traversées de l’Atlantique à bord d’un cargo, sont de nature à faire penser à un scénario hollywoodien. Son individualisme a trouvé sa raison d’être à Malte, dont les batailles aériennes convenaient mieux à son style, mais ne convenait pas pour les missions menées depuis la Grande-Bretagne. C’est peut-être cette dualité qui a fait qu’il n’a pas accédé au statut iconique d’autres as alliés.
Cette autobiographie au ton vintage est donc très agréable à lire et comble un manque dans la littérature spécialisée en langue française, quand nombre de classiques britanniques des années 1950 et 1960 étaient rapidement traduits dans la langue de Molière.
Jocelyn Leclercq