Coup de cœur 2012 |
Alain Pelletier étant un historien aéronautique réputé et prolixe, nous nous attendions à un excellent ouvrage avec Les filles d’Icare et nous n’avons pas été déçu : loin de concurrencer Elles ont conquis le ciel de Bernard Marck, nous estimons au contraire qu’il le complète admirablement par son aspect exhaustif, s’agissant d’une « histoire mondiale des aviatrices ».
Découpé en douze chapitres (Les pionnières, Les acrobates, Les compétitrices, Les étoiles filantes, Des aviatrices dans tous les pays, Les vélivoles, Les voyageuses, Les combattantes, Les icônes, Les modernes, Et bien d’autres, Tant de visages oubliés), Les filles d’Icare recense en effet plus de 680 noms de personnalités féminines liées à l’aviation !
Difficile faire mieux dans un livre de 192 pages (dont 18 pages de riches annexes !) où l’admiration est bien présente et où la densité des informations le dispute à de nombreuses photographies noir et blanc ou couleur parfaitement reproduites (présentant pour chaque chapitre les « anciennes » et les « modernes »), à de nombreuses notes et tableaux complémentaires, le tout parfaitement servi par une mise en page moderne et attrayante. Nous avons beaucoup apprécié d’y découvrir la tchèque Bazena Laglerova, l’argentine Amalia Celia Figueredo, les italiennes Rosina Ferrario, Gabriella Angellini et Carina Negrone, la turque Sabiha Gökcen ou encore la première pilote brevetée du sous-continent indien Sarla Thakral. À tous points de vue, on ressent que l’auteur a tenté d’être le plus complet possible, y compris pour les aviatrices françaises : ainsi avons-nous eu plaisir à retrouver les évocations (trop brèves hélas, mais il faudrait un volume spécifique et de la même qualité sur l’histoire des aviatrices françaises!) de Berthe Finat, Yvonne Jourjon, Andrée Dupeyron, Elisabeth Lion, Yvette Mazellier ou encore Paulette Bray-Bouquet.
Seul bémol au remarquable travail de Alain Pelletier : il reste encore à écrire l’histoire de ces femmes qui appartenaient aux Infirmières Pilotes Secouristes de l’Air (les IPSA dont la figure emblématique était Germaine L’Herbier-Montagnon) et qui s’entraînèrent à leurs frais en espérant intégrer un hypothétique « Corps Auxiliaire Féminin de l’Air » de l’armée de l’Air en 1940 (Suzanne Desgranges, Yvette Jeambel, Colette Maugé, Hélène Pernot, Rose Fradin) ou encore celle de la seconde promotion d’élèves-pilotes féminins d’après-guerre, qui fut renvoyée à des tâches administratives ou à leur fourneaux après avoir commencé à s’entraîner sur Morane-Saulnier MS.315 à Châteauroux (Suzanne Millet, Évelyne Boisnard, Colette Faveret, Paulette Désamere, Denise Gaudineau ou Janine Elissetche).
Également, nous regrettons l’absence de Margot Duhalde, fille d’un Français émigré au Chili et qui, après avoir rejoint Londres dès 1941, a été la seule femme pilote engagée dans les Forces Aériennes Françaises Libres, détachée à l’Auxiliary Transport Service où elle a convoyé 900 avions de tous types sans le moindre accident. Mais ne boudons pas notre plaisir, ce livre est vraiment une somme incontournable car ces visages féminins « font tous partie intégrante du patrimoine à partir duquel s’est constituée l’aviation telle que nous la connaissons aujourd’hui » (Alain Pelletier).
En 1999, la spationaute française Claudie Haigneré expliquait l’une des difficultés auxquelles sont encore confrontées les femmes, les obligeant toujours à redoubler de travail pour être reconnues : « À compétences égales, on laisse moins passer une erreur à une femme qu’à un homme. » Forcément, de telles femmes sont redoutables et n’ont absolument rien à envier aux hommes en matière de compétitivité ! Mais deux photographies récentes du livre de Alain Pelletier nous paraissent illustrer un changement de mentalités : celle d’un équipage militaire intégralement féminin volant sur un récent C-17 Globemaster III de la Royal Australian Air Force, preuve que les femmes peuvent être parfaitement solidaires et professionnelles sur les machines les plus pointues, ou encore celle de Rob et Beth Makros, tous deux instructeurs sur Northrop T-38 et premier couple à la ville à former l’équipage d’un bombardier furtif B-2 Spirit, preuve que les deux sexes peuvent parfaitement faire cause commune dans une même (double) passion.
Georges-Didier Rohrbacher
192 pages, 24,8 x 29,6 cm, relié + jaquette
460 photographies noir & blanc et couleur
– Coup de cœur 2012