Les ouvrages traitant d’aviation ne se limitent pas, Dieu merci, aux palmarès ou à l’inventaire des rivets de chasseurs de la Seconde Guerre mondiale. De même, la conquête de l’espace ne se résume pas à la petite phrase prononcée par Neil Armstrong prenant pied sur le sol lunaire. Même si ces sujets sont détaillés à l’envi par une époustouflante quantité de publications diverses et variées, des approches différentes sont envisageables. On notera par exemple l’étonnant petit livre de Pierre Leroy sur les fléchettes d’aviation ou, dans le domaine aérospatial, Vaisseaux spatiaux, histoire illustrée du réel et de l’imaginaire, de Ron Miller. Dans ce registre, le modeste ouvrage de Jacques Arnould Le voyage dans l’espace atteint des sommets d’originalité, non par son façonnage, mais par son contenu. L’approche de l’auteur est tout aussi atypique que son identité. Ce théologien est un brillant « touche-à-tout » : outre son statut de prêtre dominicain, Jacques Arnould a également une formation scientifique d’ingénieur agronome et s’est vu confier une réflexion éthique par le CNES*. Cette riche personnalité donne un aperçu de l’étonnante coloration de cet opuscule publié par Transboréal dans une collection orientée vers la philosophie.
Livre d’allure plus que modeste (11 x 16,6 cm), ce Voyage dans l’espace fait côtoyer Socrate avec Asimov, Freud avec Leonov, Paul Valery avec Constantin Tsiolkovski… Soyez rassuré : nulle pédanterie hermétique dans cet ouvrage, mais un foisonnement (ordonné) de réflexions philosophiques et d’approches poétiques. Ce livre n’est d’ailleurs pas exempt d’un peu d’humour quand le titre de « premier MARCHEUR de l’espace » attribué à Alexeï Leonov est échangé contre celui de « premier NAGEUR ». Le statut monacal de l’auteur ne fait pas de son livre un ouvrage théologique ou religieux. De la même manière, il conviendra de ne pas se laisser impressionner par le fait que cet opuscule soit un élément d’une collection intitulée « Petite philosophie du voyage ». Si quelques rudiments de culture philosophique sont nécessaires à une bonne compréhension, un doctorat en philosophie n’est pas indispensable ; les (vieux) bacheliers de classe « philo » se délecteront à la lecture d’un ouvrage dans lequel ils retrouveront bien des références.
Par une approche singulière dans un milieu scientifique par essence, Jacques Arnould prône la présence de poètes et de philosophes dans les équipes spatiales. Voici donc un ouvrage aussi riche qu’abordable, tant par son contenu que par son prix. On notera que malgré la modestie du coût (8 €) de ce livre, le papier utilisé s’avère d’excellente qualité, agréable au toucher. Bref, nous vous recommandons vivement cette approche originale du voyage spatial.
Philippe Ballarini
* CNES : Centre National d’Études Spatiales
96 pages, 11 x 16,6 cm, couverture souple dos carré
0,081 kg