Cette autobiographie d’un mitrailleur britannique, ayant combattu sur Avro Lancaster, a été initialement publiée outre-Manche en 1987 sous le titre rear gunner pathfinders, soit le sous-titre de sa traduction française. Ronald Smith livre ici ce que des centaines de milliers d’autres ont vécu à la même époque. Fort peu ont ensuite pris la plume pour raconter « leur » guerre, et parmi ceux-ci, la majorité était pilote, que ce soit de chasseur ou de bombardiers. Ce qui fait donc la rareté de ce témoignage, c’est qu’il émane d’un mitrailleur. Ron Smith l’écrit plusieurs fois, il se voit plus comme un passager, n’ayant aucun impact sur la conduite de la mission, mais le rôle des mitrailleurs était la défense du bombardier et de ses équipiers, afin de leur permettre de rentrer et de recommencer.
Ron Smith commence donc par expliquer son entrée dans la Royal Air Force par la petite porte, via le R.A.F. Regiment, chargé de protection au sol des aérodromes. Ce n’est que deux années plus tard qu’il parvient à entrer dans le personnel navigant, comme mitrailleur aérien. Peu de détail sur son enfance ou sa jeunesse, peu de dates précises, à part qu’il est breveté dans sa spécialité en juin 1943. Idem les unités d’entrainement ou sa première affectation opérationnelle, évoquées par le nom des bases aériennes.
La première mission de guerre sur l’Allemagne, après une autre sur l’Artois pendant l’entrainement opérationnel, manque de très mal se terminer pour Ron Smith et ses équipiers. Les interrogations philosophiques ou métaphysique du jeune mitrailleur, qui a beaucoup lu dans sa jeunesse, surtout les poètes classiques, occupent une partie du récit, tout comme les à-côtés de la vie du combattant. Très vite l’équipage est affecté au Squadron 156, une des formations de la Pathfinder Force, les éclaireurs. Ces équipages triés sur le volet sont chargés de trouver et marquer les objectifs pour la force principale, afin d’améliorer l’efficacité des bombardements.
Le récit se déroule chronologiquement, là encore avec peu de repères de date, des équipiers connus par leurs surnoms. Les permissions alternent avec la vie sur la base et les missions sur l’Allemagne notamment. Au final, Ron Smith totalise 65 missions en deux tours d’opérations, et obtenu la Distinguished Flying Medal.
La version française a perdu l’avant-propos de « Hamish » Mahaddie mais conserve les cinq annexes du livre original, le message de victoire de Donald Bennett, le chef de la Pathfinder Force, un tableau mensuel des pertes du Bomber Command britannique, les statistiques des équipages de bombardiers morts au combat, un poème de l’auteur et un descriptif du Squadron 156, plus 7 photographies rassemblées dans une annexe F en fin d’ouvrage, et imprimée sur le même papier que le texte. La version anglaise présentait un encart central avec un papier spécifique améliorant le rendu des clichés noir & blanc.
L’autobiographie originale ne contenait aucune liste détaillée des missions de Ron Smith, ne montrait pas d’extraits de son carnet de vol, etc… et la version française est donc fidèle à ce titre.
Le goût de Ron Smith pour une écriture très soignée, très littéraire, a été respecté dans la traduction française. On peut juste regretter que le terme gunner ait parfois été traduit en artilleur, au lieu de mitrailleur, cela sème le doute. Les équivalences de grade des officiers généraux, données en bas de page, sont également décalées, et l’utilisation des quantièmes pour les unités de la R.A.F., surtout dans l’annexe E, si elle ne nuit en rien à la compréhension du sujet, ne respecte pas la syntaxe originale.
L’isolement du mitrailleur dans sa tourelle, ses fréquents sentiments de culpabilité aux retours de missions, l’observation de la chute de tant d’autres bombardiers tout autour du sien, l’appartenance à un équipage et cette fraternité d’armes, et à l’inverse son besoin grandissant de solitude et d’introspection, son attitude vis-à-vis du danger et de la mort, font que cette autobiographie donne une perception bien différente de la guerre aérienne.
Ce volume sincère et différent complétera agréablement toute bibliothèque portée sur des biographies de la deuxième guerre mondiale
Jocelyn Leclercq