Voici là un copieux ouvrage, presque 500 pages, sur un sujet assez spécifique et globalement assez peu couvert dans la littérature spécialisée. Comme l’indique parfaitement le titre, la formation des aviateurs de la R.A.F. a fait l’objet de quelques parutions en langue anglaise, et dans la langue de Molière, on peut citer l’ouvrage de Frédéric Bruyelle paru l’an dernier, le mémorial des FAFL au Royaume-Uni, qui abordait ce thème sous l’angle des Français Libres. Ces ouvrages sont d’ailleurs cités dans la bibliographie de l’auteur.
Dès les premières pages, l’impression s’installe qu’il s’agit d’un ouvrage universitaire, par la structure du plan, les sources constamment détaillées en bas de page, les nombreux graphiques réalisés par l’auteur. Le travail de recherche est indéniable, tant par les ouvrages publiés qu’au niveau des archives primaires, au Canada, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Australie, pour citer les principales, consultées en personne ou en ligne pour celles accessibles.
L’option d’avoir systématiquement francisé les noms des unités, y compris la numérotation avec quantième, peut être perturbante pour les lecteurs habitués aux appellations originales, bien que dans la majorité des cas, les acronymes restent dans leur jus. On regrette alors parfois que l’auteur ne soit pas allé jusqu’au bout de la démarche et traduise les Groups de la R.A.F. en groupes, au lieu d’aller chercher l’équivalent de division aérienne, par exemple.
C’est sur la partie canadienne de l’entrainement que l’auteur a le plus travaillé. C’est effectivement le plus gros morceau, mais on peut regretter par exemple que s’il y a une carte des répartitions au Canada, on ne trouve aucune carte des autres principaux pays ayant participé au British Commonwealth Air Training Plan, également dénommé Empire Air Training Scheme de ce côté-ci de l’Atlantique. Les autres programmes d’entrainement sont également bien expliqués par l’auteur, comme par exemple le Arnold Scheme, aux États-Unis.
Si l’aspect technique est parfaitement abordé, Fredéric Gil évoque également les batailles politiques qui ont sous-tendu ces programmes d’entrainement, et notamment les tensions entre Grande-Bretagne et Canada, et les gains obtenus par ce dernier. Sont également mentionnés, mais avec moins de clarté en ce qui me concerne, les coûts financiers de ces plans de formation.
La partie « matériels » ne couvre qu’une trentaine de page. L’auteur y mentionne en outre des appareils de l’après-guerre comme le Chipmunk ou le Provost, ce qui dépasse le cadre de l’ouvrage. Cette partie technique est celle qu’on peut trouver par ailleurs dans des monographies consacrées aux Tiger Moth, Magister, Master, Oxford, et autre.
De nombreuses annexes diverses et variées complètent l’ouvrage, sur 92 pages, presque un cinquième de la pagination. Certaines sont plus utiles ou intéressantes que d’autres, chaque lecteur y trouvera son intérêt, ou pas. L’annexe 8 consacrée aux bons mots et anecdotes figurant dans les rapports et autres documents officiels est très plaisante à lire. Seul bémol des annexes, une taille de police de caractère réduite qui en rend la lecture difficile.
L’ouvrage est illustré de photographies noir et blanc tout au fil du texte. Il s’agit pour beaucoup d’images provenant des archives nationales canadiennes. Reproduites sur le même papier que le texte, et pas en pleine largeur, il ne leur est ainsi pas souvent rendu hommage. Des photos récentes prises par l’auteur dans des musées, pour montrer les types d’avions évoqués, sont elles aussi imprimées en N&B. C’est dommage quand on connait l’attrait de la couleur de ces avions souvent surnommés « péril jaune ». De nombreux graphiques monochrome de l’auteur parsèment son texte. Peut-être trop, soit l’absence de couleur les rend peu compréhensibles, soit la démonstration n’est pas efficace.
Le glossaire en fin d’ouvrage aurait peut-être été mieux placé au début. Enfin, 10 pages de bibliographie parachèvent le livre.
Toujours est-il que Frédéric Gil a réussi à concentrer en un seul ouvrage en langue française, une somme de connaissances et d’informations sur la formation des aviateurs du Commonwealth pendant la deuxième guerre mondiale. Cet effort mérite d’être souligné et encouragé.
Jocelyn Leclercq