Si l’histoire aéronautique de la Ville Rose commence à être bien connue, son pendant aérospatial méritait d’être raconté. C’est à cette tâche, sur la période 1960-2020 (1), que s’est attelé l’Institut français d’histoire de l’Espace, et en particulier sa section toulousaine.
Le résultat est une véritable encyclopédie, très riche, bien que le comité éditorial refuse l’idée d’avoir fait œuvre d’historiens, préférant celle d’un assemblage de témoignages de première main.
Le principal écueil de ce recueil, et les auteurs s’en excusent par avance en avant-propos, tient à cette écriture « à plusieurs mains » : le style peut être assez variable, avec parfois une valse des temps de conjugaison, occasionnellement une différence d’orthographe (2) ou le sentiment d’une marche en avant coupée de retours en arrière, et de multiples redondances, notamment dans les deux premiers chapitres consacrés à l’implantation toulousaine, pas toujours aisée, du CNES (3).
Les trois chapitres suivants, consacrés à l’implantation des grandes sociétés (4), et des plus petites qui gravitent autour comme un univers dédié à l’Espace, sont plus fluides et mieux bâtis. On réalise que cette limpidité avait besoin de la structure mise en place par les premiers chapitres pour étayer les suivants.
Le tout se passe sur fond d’histoire mondiale de la conquête spatiale, essentiellement post-Apollo : coopérations avec l’URSS et les USA, vols des spationautes français avec les uns et les autres, construction de l’Europe, aventure de l’avion spatial Hermès, nombreux marchés internationaux, construction à Montaudran de la Cité de l’Espace en 1997, etc.
A noter que l’histoire de Matra est grandement inspirée, en les citant, des écrits de Claude Goumy. Nous vous avions déjà présenté ici son ouvrage « De la Creuse à l’Europe spatiale » en 2018, le qualifiant de mine de renseignements. On trouve également, page 42, un excellent résumé en un tableau : « Points de repères 1968-1975 ». Les illustrations de l’ouvrage, quant à elles, sont nombreuses mais malheureusement trop petites.
Au fil de cette lecture, si l’on pourrait prendre peur devant la profusion de sigles bien abstraits dans une galaxie de projets, de bureaux, de services et de noms de programmes, on apprécie avec un grand sourire la liste de ceux composés comme des acronymes, à mi-chemin entre poésie et calembours parfois un peu forcés : Calipso, Roseau, Signe, Integral, Gaia, Soho, Medoc, Spot, Scarab, Stentor, Angels, Syracuse, Orfeo, Doris, Polder, Athena, Elisa, Ceres, Caesar, Yoda, Lisa, Juice, etc.
On trouve en annexes une table des matières, des liens par QR-codes (tableau des 175 vols d’Arianne), une bibliographie et une liste des sigles et acronymes. Le grand nombre de personnes citées dans le livre nous fait toutefois regretter l’absence d’un index onomastique.
Cet ouvrage très spécial devrait trouver sa place dans toute bibliothèque ayant un espace consacré au spatial.
Jean-Noël Violette
Notes :
1) Il est dommage que cette période ne soit indiquée en sous-titre qu’en 4e de couverture.
2) C’est le contributeur de la page 20 qui a raison, et celui de la page 12 qui a tort, il n’y a pas d’accent à « Breguet »
3) Centre National d’Etudes Spatiales
4) Matra-Espace/Astrium/Airbus DS, Thomson-Espace/Alcatel/Thalès-Alenia-Space…
343 pages, 16×24 cm, broché, couverture souple
35 €