La vie légendaire de Georges Guynemer est assez bien connue et ses biographies ont souvent tourné à l’hagiographie. C’est d’autant plus intéressant de connaître le récit qu’en fit Jacques Mortane en 1938. En effet, Jacques Romanet (de son vrai nom) fut un journaliste sportif, puis aéronautique, de premier ordre au début du XXe siècle. Confident de Georges Guynemer avant même que ce dernier n’accède à une froide notoriété, il a pu gagner sa confiance et recueillir directement de la bouche de l’intéressé, lors de multiples entretiens et rencontres quasiment jusqu’à la disparition du grand pilote, les récits et commentaires de ses victoires les plus significatives exprimés avec une grande simplicité. Le témoignage complémentaire du Commandant Bernard-Thierry, ancien responsable de l’école d’aviation militaire de Pau et accompagnateur des premiers vols de Guynemer, est aussi de premier ordre, de même que le récit par Udet d’un de leurs combats. Et ce sont également le fruit d’entretiens directs avec le journaliste.
Comme les publications de l’Entre-deux-guerres ne sont désormais accessibles qu’aux collectionneurs bibliophiles, ou éventuellement en copie sur Internet, c’est donc une bonne idée qu’a eue l’éditeur belge Skyshelf.eu de publier le fac-similé de ce fascicule, parmi d’autres ouvrages centenaires ou en passe de l’être. « Fascicule » car ces petits livres écrits par Jacques Mortane pour raconter les pilotes qu’il avait bien connus (Guynemer, Mermoz, Hélène Boucher…) étaient, déjà à l’époque, assez minces. Ici nous avons un livret de 45 pages de textes (et 7 pages d’information sur les autres publications de l’éditeur). La lecture en est donc rapide, mais c’est un concentré de tout ce qu’il faut connaître sur le personnage. Le côté panégyrique n’apparaît qu’en fin d’ouvrage, avec la liste des « plus belles citations » et « l’avant-propos » de l’académicien Paul Deschanel (1) présent, de fait, en arrière-propos.
L’ouvrage, version 2025, bénéficie de neuf magnifiques illustrations, certainement rehaussées numériquement par rapport aux gravures d’époque. Certaines, reproduction de portraits présents dans différents musées, sont référencées avec le nom des peintres. Deux photographies bénéficient d’un simple « DR », mais les publications de Jacques Mortane n’étaient pas bien plus disertes en la matière il y a presque un siècle.
Voilà donc un petit livre très abordable pour comprendre pourquoi, dans l’armée de l’Air et de l’Espace, on fête la « Saint-Guynemer » tous les 11 septembre.
Jean-Noël Violette
Note (1) : plus tard président de la République et célèbre alors pour une chute depuis un train, heureusement au ralenti, en pyjama, alors qu’il se rendait à Montbrison pour inaugurer un monument en l’honneur d’un autre aviateur, le sénateur de la Loire Émile Raymond.



