Fabrice Albrecht a commandé durant deux ans l’Escadron d’hélicoptères 1/67 « Pyrénées » de Cazaux. Cette unité de l’armée de l’Air et de l’Espace a la particularité, côté traditions, de perpétuer celles d’une escadrille de la Grande Guerre, un cas rare au sein de l’AAE (1) . Par ailleurs, le 1/67 est également singulier au sein des voilures tournantes Air dans le mesure où ses moyens sont principalement dévolus au Commandement des opérations spéciales, et liés notamment aux actions ResCo du Commando parachutiste de l’air n° 30.
En tant que commandant d’unité, l’auteur a été tenu de rédiger annuellement le journal des marches et opérations (JMO) de l’unité, un document réglementaire dont plusieurs exemplaires sont dûment archivés au Service historique de la Défense de Vincennes, chaque année. Conscient de l’héritage historique qu’a reçu son escadron dès 1966 (en tant qu’ EH 1/68, à Pau), il était tentant de vouloir réparer l’absence de JMO de l’escadrille SAL 17 dont le « Pyrénées » est l’héritier.
Fabrice Albrecht s’est donc attelé à compulser les archives du SHD relatives aux grandes unités terrestres (2) auprès desquelles la SAL 17 était mise pour emploi, afin d’y relever, au jour le jour, les missions demandées à l’escadrille, leurs résultats et les commentaires, un travail de bénédictin. En parallèle, le fonctionnement interne et quasi quotidien de l’unité a été extrait des carnets de comptabilité en campagne de l’escadrille, des documents indiquant les stationnements, arrivées et départs de personnel, y compris les pertes humaines.
Cette masse importante de documents consultés est référencée par pas moins de 887 notes de bas de page ! Des fonds et des prêts privés viennent utilement compléter ces références. Le récit chronologique occupe plus de 400 pages, largement illustré de photos proprement reproduites, mais aussi de documents, plans, cartes, croquis et profils dont certains sont le fait de l’auteur lui-même. Enfin, les souvenirs du Lieutenant Gobert et du Sergent Horton amènent un peu d’humain dans ce « JMO reconstitué », ainsi que quelques encarts biographiques de navigants de l’escadrille. Concernant les traditions de l’unité, les deux insignes successifs sont dûment reproduits, le soleil levant et le fameux félin rouge, ainsi que les textes des deux seules citations retrouvées, sur les cinq décernées (3).
Au final, on possède là le déroulé le plus complet possible de la vie d’une escadrille d’observation en 14-18, illustrant par le menu ce que furent les aléas et les succès durement acquis des premiers aviateurs militaires, coopérateurs fidèles et indispensables à toute action terrestre. On pourra regretter la couverture souple et le dos collé qui supportent mal un usage répété au fil du temps, mais le prix de l’ouvrage est sans nul doute le bénéficiaire de ce choix technique. Par ailleurs, la taille réduite de ce livre (17 x 24 cm) entraîne une concentration importante du texte et des images, ce qui peut donner une impression de foisonnement au lecteur ; toutefois et là encore, le coût de revient de l’ouvrage y a certainement gagné.
Cet ouvrage remet utilement en lumière une aviation de coopération aux taches variées et ingrates (observation, accompagnement d’offensive, réglage d’artillerie, prise de vues, harcèlement …), loin de la lumière des escadrilles de chasse où œuvrent les as. Il remplit ainsi brillamment le devoir de mémoire, tout en pouvant satisfaire la curiosité des amateurs d’aviation militaire et les historiens de la Grande Guerre sur un sujet peu couru.
Bernard Palmiéri
429 pages, 17 x 24 cm, couverture souple
1240 g
1 – jusqu’en 2012, l’EHOM 68 de Cayenne perpétuait également les traditions d’une escadrille de 14-18, la SPA 152, traditions maintenant à la garde d’une escadrille de l’ET 68 « Antilles-Guyane ».
2 – armées, corps d’armée, divisions d’infanterie.
3 – deux citations à l’ordre de l’armée et trois à l’ordre de la brigade, entraînant le port de la fourragère aux couleurs du ruban de la croix de guerre, distinction toujours portée de nos jours par le personnel de l’EH 1/67.