D’un point de vue strictement aéronautique, la guerre d’Espagne eut ceci de particulier qu’elle vit mettre en œuvre une surprenante variété d’avions, à un point tel que l’établissement d’un « catalogue » complet des appareils qui entrèrent en jeu durant ce conflit fratricide relève du tour de force. Le mot d’ordre du Parti Communiste Français « Des avions pour l’Espagne ! » résume assez bien cette sorte de frénésie qui amena à livrer un peu de tout (y compris parfois n’importe quoi) aux forces républicaines.
Avec lucidité, Jean Massé a restreint le champ de son investigation aux seuls avions qui, ayant été impliqués dans la guerre d’Espagne, ont un quelconque rapport avec la France, soit en raison d’une origine française, soit qu’ils aient transité par l’Hexagone ou qu’ils y aient été abattus… voire simplement aperçus. Même en se limitant à ces seuls aéronefs, la liste s’avère fournie (plus de 200 modèles !), ce qui a en outre l’intérêt, en raison même de cette diversité, de donner à l’amateur d’histoire de l’aviation un aperçu de l’aéronautique des années trente. En ce sens, la couverture parle d’elle-même, avec un étonnant SFCA Maillet 21, un Fokker F-XII, un Grumman G-23 Delfin, un Bellanca 28/70, le tout côtoyant un incontournable Polikarpov I-16. Tout ce qui a volé et qui répond aux conditions que s’est fixées l’auteur est répertorié.
Le livre est construit dans un ordre chronologique, débutant par les avions de conception française présents sur le sol espagnol au début du conflit, et se clôturant par la chute de la Catalogne et le repli vers la France et l’Algérie. Nous nous trouvons donc en présence d’une forme de « journal » dont la consultation est grandement facilitée par plusieurs index : avions, lieux, navires, personnes, et compagnies ou associations. En regard de chaque page de texte figurent les profils en couleur des appareils évoqués. Ces dessins, réalisés par Jean Massé lui-même, ont la particularité d’être tous à la même échelle. Ils renouent avec la vocation originelle des profils en couleur : permettre au lecteur d’être renseigné sur les teintes nécessairement absentes des photographies de l’époque, le parti-pris de l’auteur-dessinateur renseignant d’un coup d’œil sur les différences de taille des appareils.
Le choix d’un format à l’italienne s’avère judicieux pour cet ouvrage ne manquant pas d’atouts : on prend autant de plaisir à le lire qu’à le consulter via un index… ou à simplement le feuilleter.
Philippe Ballarini
148 pages, 29,7 x 21 cm, couverture souple