Un roman d’anticipation, voilà qui nous change, chez l’éditeur Cépaduès, des habituels manuels de formation. Celui-ci, bien évidemment et comme son titre l’indique, nous parle de missions vers la planète rouge, réputée d’ordinaire pour ses petits hommes verts. L’époque de départ se situe une centaine d’année après les missions Apollo, et celle de fin…
tss, tss, je ne vais quand même pas vous divulgâcher la fin de l’ouvrage !
Ce livre a toutefois toute sa place dans l’Aérobibliothèque, ne serait-ce que par ses multiples références techniques aux vols humains déjà réalisés dans l’Espace : programme Apollo et en particulier les missions 11 et 13, navette Challenger, station spatiale ISS), voire sa référence historique à l’hydravion géant H1 de Howard Hugues.
On trouve juste ce qui pourrait être un anachronisme, page 109 « [Le vaisseau] Endowment n’allait pas échapper à la mode du télétravail ». On se croirait revenu dans les années 2020 ! On note aussi, page 228 : « Ce n’est plus un procès, c’est un café-philo de quartier ! » aux relents guère plus futuristes.
On ne se rend pas compte du temps que ça met, pour aller jusqu’à Mars, voire peut-être de s’y installer ! C’est un joli prétexte pour plonger dans les consciences, sous forme de dialogues ou d’introspection. La narration n’est pas tout à fait omnisciente, mais plusieurs personnages interviennent dans le récit. Cela permet de longues envolées, c’est le cas de le dire, sur des sujets philosophiques, psychologiques, politiques, stratégiques, et plein de trucs en -iques. Certains domaines peuvent nous ramener à des cas connus en aviation : on retrouve par exemple des conclusions semblables aux travaux de J.C.Wanner sur les problèmes d’attention soutenue et la comparaison avec la surveillance des centrales nucléaires. On parle aussi des réactions humaines dans les confinements de très longue durée, de la limite du respect des règles, du sens de la vie, de l’amour et, beaucoup, de comparaison entre différentes religions, judaïsme, christianisme, islamisme, bouddhisme avec ses différents courants, voire absence de religion, athéisme ou agnosticisme, des trucs en -isme, donc. C’est intéressant au départ, mais les nombreuses déclinaisons du système peuvent finir par lasser le lecteur en avançant dans le livre.
Quelques extraits assez évocateurs :
* page 229 : « Vous rêvez d’une vie éternelle qui n’est qu’une projection dans l‘éternité de votre vide quotidien. Excuse-moi, mais si la vie éternelle ressemble à cela, elle ne fait pas envie ».
* page 231 : « Avec les mois, leur course à travers le vide a changé de but. Son enjeu a glissé d’un objet à un autre. De la simple conquête, ils sont passés à la recherche de réponses qui ne tiendront pas en un seul mot. Il ne s’agit plus d’explorer, mais de comprendre pourquoi on vit ».
* page 349 : « Hubert entre volontiers dans les bavardages philosophiques que je lui propose, mais en refusant obstinément la moindre influence sur nos décisions opérationnelles ».
Quand la physique céleste laisse la place à la métaphysique…
Jean-Noël Violette
427 pages, 16×24 cm, couverture souple, broché