Le volume 4 de Ciel en ruine, Piège en Poméranie, nous laissait dans l’expectative… et Nikolaus en fâcheuse posture. Parti à la poursuite d’un P-38 de reco trop indiscret, il perdait le contrôle de son Me 262, sortant largement du domaine de vol du biréacteur en piquant à près de 1000 km/h. La dernière case de l’album nous montrait un ciel désespérément vide et une radio muette. Nikolaus était-il mort ? Non, bien sûr, car dans ces conditions la collection Ciel en ruine était achevée… à moins de retrouver notre héros aux enfers en compagnie du glaçant chien Fisto.
Eden Hotel déroule son histoire avec son lot de personnages, une énigmatique Ostarbeiter*, un photographe qui immortalise les ruines avec son Leica, des compagnons d’arme, une troublante Lorelei… Nikolaus, avec quelques photos roussies et un carnet, cherche à comprendre, dans un Berlin qui s’effondre sous les bombes alliées.
Un scénario déroutant pour Eden Hotel : c’est la bonne occasion pour relire posément les quatre volumes précédents, faute de quoi on y perdra assez vite son latin, d’autant plus que le synopsis de cet album n’est pas linéaire et que par le jeu de fréquents flashback**, on change fréquemment de lieu et d’époque, dans une alternance entre l’oppressant climat qui règle dans la capitale du Reich proche de l’anéantissement et un ciel dont la factice sérénité du bleu cache bien des pièges et des dangers. Le contraste entre le rassurant dessin « ligne claire » (néanmoins étonnamment assez différent des tomes précédents) et le caractère sombre du scénario augmente sensiblement le malaise.
C’est avec Eden Hotel que prend fin le premier cycle de Ciel en ruine. Vous dites « premier cycle » ? C’est donc qu’il y en aura un second et que Nikolaus ne meurt pas… ou pas encore ? La fin de ce volume est certes déroutante par son apparente improbabilité, mais il faut bien comprendre que lorsqu’on est sous la protection d’un chien de l’enfer, bien des choses sont envisageables.
Troublante collection que ce Ciel en ruine, où le fantastique le dispute au quasi-documentaire bien réaliste (les Bf 109G, Yak3, Airacobra, La-5… n’ont rien de surnaturel). On est dans le domaine de l’inclassable, pas plus bande dessinée de guerre que de fantastique, tout en étant un peu des deux, le fantastique arrivant en catimini dans l’histoire guerrière aux moments où on ne l’attend pas. L’imagination débordante de Philippe Pinard a de quoi étonner. Et de l’imagination, il lui en faudra ! On imagine que si au bas de la dernière page, Olivier Dauger a inscrit « Fin du premier cycle », c’est que la suite est prête… au moins dans les circonvolutions du cerveau de son scénariste.
Nous devons être nombreux à avoir envie de visiter les méandres des ces méninges-là. Où donc, maintenant que le IIIe Reich est quasiment effondré, allons-nous retrouver Nikolaus et cet étrange chien auquel son destin semble lié? Dans quelle diablerie ?
« C’est le diable qui tient les fils qui nous remuent. » Ainsi parla le chien Fisto.
Philippe Ballarini
48 pages, 23 x 31,5 cm, relié couverture cartonnée
* Ostarbeiter : travailleurs forcés raflés en Europe de l’Est
** flashback : scène qui s’est déroulée avant l’action en cours, analepse
Les albums de la série Ciel en ruine
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet
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