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Bleu comme l’acier

Les chasseurs embarqués de l’US Navy dans le Pacifique
Guy Julien

Pour d’évidentes raisons d’ordre géographique, le théâtre d’opérations du Pacifique était généralement bien moins traité en France par les auteurs que les campagnes ayant eu lieu dans en Europe, quand bien même on peut considérer avec certains auteurs que la Seconde Guerre mondiale débuta en Chine en 1937 avec l’incident du pont Marco-Polo et l’attaque de l’armée japonaise. Peu à peu, la situation a fini par évoluer, et la Seconde Guerre centrale paraît désormais un peu moins « européano-centrée », entre autres avec des auteurs comme Bernard Baëza ou Nicolas Bernard.

Guy Julien, bien connu des auteurs d’Aéro-Journal (dernière version) où il publie régulièrement des articles de qualité, trempe à son tour sa plume dans le Pacifique, avec une approche originale. La colonne vertébrale de son Bleu comme l’acier est composée du trio Wildcat, Hellcat et Corsair qui nous mène de 1935, avec les origines du F4F Wildcat jusqu’à la fin du conflit. Une structure originale donc, pour un livre qui peut être compris comme une triple monographie* particulièrement riche dans le domaine opérationnel. Dans une brève introduction, l’auteur rappelle le rôle prépondérant du F6-F Hellcat sur le théâtre d’opértions du Pacifique, où il fut bien plus performant que le F4-F Corsair et plus adapté à la guerre aéronavale. Après quoi nous passons au chapitre « Origines » : la genèse (déjà amorcée dans l’introduction) et le développement des appareils sur douze pages, alors que trop souvent les auteurs négligent ou bâclent la question pourtant fondamentale… quand il ne « l’oublient » pas.

L’ossature du livre peut surprendre. En effet, après une première partie évoquant les origines des appareils, on pouvait s’attendre à trois chapitres présentant chacun des avions, mais ces (courtes) études monographiques sont reléguées en deuxième partie de l’ouvrage. On trouvera auparavant quatre volets, intitulés chacun Résister, Riposter, Vaincre et Night fighters*. Le premier, Résister, évoque la période où, après Pearl Harbor et jusqu’à la reconquête de l’archipel des Salomon, les États-Unis, encore faibles, ne peuvent que se contenter d’essayer de limiter les dégâts. Le second évoque la période suivante, avec comme pivot le revirement que représenta le fameux « tir aux pigeons » des Mariannes. Tout cela est bel est bon, mais après avoir riposté, il faut passer à la phase suivante : vaincre. C’est le propos et le titre du chapitre suivant, lequel nous mène jusqu’à août 1945 et la reddition du Japon. Ces trois parties, consacrées essentiellement aux registres opérationnel, stratégique et tactique, sont le cœur de l’ouvrage.

Si ces chapitres Résister, Riposter, Vaincre et Night fighters évoquaient les actions aériennes dans leur ensemble (dans le chapitre Night Fighters, on trouve aussi bien des F6F que des F4U, les suivants sont dédiés à chacun des trois appareils traités séparément. De toute évidence, l’opérationnel et le stratégique ont largement la primeur chez Guy Julien, le sujet de la technique est bien moins développé dans ces trois parties. Par exemple, si le chapitre Vaincre occupait 54 pages, celui propre au Hellcat n’en compte que 18. C’est d’ailleurs essentiellement la genèse, le développement et les évolutions qui sont évoqués dans ces trois parties.

Un tel sujet nécessitait la présence de cartes : celles-ci, signées Julien Peltier, sont bien présentes, mais elles ne sont pas intégrées au livre ; d’une élégance certaine, elles sont imprimées sur un papier glacé de très fort grammage. Passée la surprise, on trouvera de l’intérêt à ce procédé : nul besoin de feuilleter l’ouvrage pour les retrouver si le besoin s’en fait sentir à la lecture. On pourrait néanmoins regretter qu’elles ne fussent pas tout à fait aux mêmes dimensions que l’ouvrage : comme elles sont un petit peu plus grandes (quelques millimètres), elles courent le risque d’être abîmées à l’usage. L’iconographie est de qualité, abondante sans excès, composée de nombreuses photographies d’époque, provenant essentiellement de la NARA*, de profils de Jean-Marie Guillou, toujours excellents, d’images de Corsair en 3D (Stefan Daminski), d’illustrations et d’infographies de Piotr Forkasiewicz. Le tout a une « gueule » certaine qui met bien en valeur le travail de Guy Julien. La façon dont est traité le sujet et la mise en page ne manquent pas de paraître inspirées par feu Christian-Jacques Ehrengardt dont les mânes semblent planer au-dessus de ce livre, tant dans le fond que dans la forme.

Philippe Ballarini


220 pages, 21 x 28,5 cm, relié
1,261 kg


* Night fighters : chasseurs de nuit
* une triple monographie : une « trigraphie » ?
* NARA : National Archives and Records Administration (Administration nationale des archives et des dossiers)

En bref

Overlord éditions

ISBN 978-2-49125-003-4

39,90 €