Coup de cœur 2021 |
La grande majorité des ouvrages de mémoires qui paraissent dans notre petit monde sont écrits par des pilotes ou des ingénieurs. Celui-ci est l’œuvre d’un mécanicien navigant ; pour autant ce n’est pourtant pas un livre technique, mais une suite de récits. Et cette narration tout à fait captivante est due à quelqu’un dont l’indispensable sang-froid professionnel n’a manifestement jamais pu abolir la sensibilité et la sincérité. En cela, ce livre n’est pas tout à fait comme les autres…
Quand Francis Delafosse a rejoint le Service National de la Protection Civile, son parc de voilures tournantes était constitué d’Alouette II et d’Alouette III. Et quand il a fait valoir ses droits à la retraite, l’EC 145 était en service au Groupement d’Hélicoptères de la Sécurité Civile depuis quelques années. C’est dire que l’auteur, qui a exercé entre autres quatre ans sur le littoral Atlantique et douze ans dans le massif du Mont-Blanc, a connu 34 années d’évolution dans l’emploi des hélicoptères pour le service public. Il a été confronté à des situations extrêmes, en une époque où les moyens de secours étaient loin d’atteindre l’organisation et la technicité qui prévalent aujourd’hui. Il a connu ce temps où l’hélicoptère n’était pas encore conçu comme un élément majeur de la chaîne des secours, mais bien souvent comme le moyen miraculeux, celui duquel allait dépendre la vie d’une personne… L’équipage, alors, devait souvent agir seul, ou presque. Francis Delafosse le résume par cette phrase : « On était déjà soulagés quand les pompiers étaient sur place avant nous… ». Ce livre nous dévoile d’innombrables moments cruciaux, où l’humanité des intervenants l’emportait sur le manque de moyens déployés…
La carrière de Francis Delafosse peut certainement être qualifiée d’exceptionnelle ; elle l’est, d’ailleurs, parmi ses pairs. Mais il y tient : il est un homme comme les autres. Son livre en est imprégné. Dans un langage simple, il nous invite à rencontrer cet homme-là, depuis son enfance, dans sa découverte de son futur métier, et dans l’apprentissage, celui de l’homme bien autant que celui du technicien. Et l’on se surprend à ne plus lire des anecdotes, mais de vraies histoires. Souvent courtes, mais pleines d’une force surprenante dans leur nudité, dans leur horreur, même, parfois… Probablement parce qu’en filigrane il y a toujours cette pudeur, et cette sincérité dans le propos.
Ne nous y trompons pas, cependant. Ces pages constituent un témoignage précieux, et il faut remercier Francis Delafosse d’avoir pris le risque de les autoéditer. Au-delà de leur propos, qui les rend accessibles à tous, au-delà de l’émotion qu’elles portent, elles montrent une réalité qui marque intimement le petit monde des sauveteurs. Ce livre peut aider à comprendre comment le secours à personnes a évolué, en même temps que ses acteurs s’enrichissaient d’expérience. Il y a des livres captivants, des livres émouvants, des livres utiles…
Il y a des livres qu’il faut lire ; celui-ci en fait partie.
Philippe Boulay
273 pages, 15 x 21 cm, broché
106 photographies la plupart en couleur
0,520 kg